Les bêtabloquants au secours du cancer du sein 2010

2010 | Pascale Solère

Barcelone, Espagne — Les femmes opérées pour cancer du sein traitées par bêtabloquants pour hypertension ont un meilleur pronostic en terme de risque de récidive locale, de métastase à distance et in fine de survie spécifique. Leur mortalité par cancer du sein est réduite de plus de 70 %. Telle est la conclusion d'une petite étude épidémiologique originale présentée à Barcelone lors de l'European Brest Cancer Conference par le Pr Des Powe (Nottingham, Grande-Bretagne).

« Les bêtabloquants pourraient nous aider à réduire le risque de récidives du cancer du sein. C'est la toute première étude sur ce thème à ma connaissance. Elle est relativement petite et nous allons essayer de valider cette hypothèse à plus large échelle. Mais c'est très encourageant, d'autant que les bêtabloquants sont des médicaments bien connus, sûrs et peu couteux » résume D Powe.

Stress, prolifération et migration, et bêtabloquant

Des travaux de recherche récents ont suggéré que des neurotransmetteurs sont impliqués dans la migration des cellules cancéreuses médiée par des récepteurs bêta 2 adrénergiques.

« Sur cultures cellulaires, les bêtabloquants réduisent la prolifération et la migration de diverses lignées cancéreuses. Or ces effets sont induits par les hormones du stress — norépinéphrine et épinéphrine — qui agissent dans un modèle clé/serrure sur des récepteurs spécifiques » explique D Powe. Comme quoi les tenants de la relaxation et du yoga ne sont peut-être pas si farfelus...

« Nous avons voulu savoir si cette hypothèse se tenait en clinique ». D'où l'idée d'analyser l'impact, ou pas, du traitement par bêtabloquant sur une cohorte de femmes opérées pour cancer du sein. « La toute première étude sur ce thème à ma connaissance » souligne D Powe.

Bêtabloquant et pronostic dans une cohorte de femmes opérées pour cancer du sein

L'étude épidémiologique menée en collaboration avec le Pr Frank Entschalden (Witten, Allemagne) porte sur 446 femmes opérées pour un cancer du sein primaire. Les critères primaires sont le risque de métastase et la survie spécifique.

Parmi ces 446 femmes, au diagnostic, 92 étaient sous antihypertenseurs dont 43 (47 %) sous bêtabloquants. Or l'étude montre que les femmes sous bêtabloquant au diagnostic ont eu moins de métastases à distance (p = 0,03), moins de récidives locales (p = 0,003) et in fine une meilleure survie spécifique. La mortalité par cancer du sein est réduite de 71 % (RR = 0,29 ; p = 0,007) dans ce groupe par rapport aux deux autres groupes, c'est-à-dire versus les femmes traitées par une autre classe d'antihypertenseur ou sans traitement antihypertenseur.

« Nous sommes convaincus que ce bénéfice est lié aux bêtabloquants plus qu'à un effet antihypertenseur per se vu que le bénéfice — réduction de 71 % de la mortalité spécifique — n'est pas retrouvé chez les femmes traitées par une autre classe d'antihypertenseur » souligne D Powe.

« Il est raisonnable de faire l'hypothèse que des femmes non hypertendues présentant un cancer du sein bénéficieraient d'un traitement par bêtabloquant dont les posologies et effets secondaires doivent être validés dans une étude clinique ».

« Ces résultats suggèrent également que non seulement les bêtabloquants peuvent être utiles chez les femmes ayant un risque de récidive (cancer secondaire) mais qu'ils peuvent aussi ralentir la croissance tumorale. »

Un nouveau marqueur pronostique ?

En parallèle de cette étude, les auteurs ont mené une autre étude épidémiologique testant l'intérêt du dosage des récepteurs spécifiques aux bêtabloquants (bêta 2 récepteur ; immunochimie sur coupe tissulaire) comme biomarqueurs du pronostic.

L'étude porte sur 689 cas. Les résultats mettent en évidence un taux de récepteurs bêta 2 tumoral significativement augmenté dans les petites tumeurs (p = 0,006), celles de bas grade (p < p =" 0,027)">

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

infolinks