ONCOGÉRIATRIE : Espoir, ENJEUX ET SPÉCIFICITÉS

En 2008, sur les 320 000 cas de cancers diagnostiqués, plus de 145 000 ont touché des personnes de plus de 70 ans. Et les projections indiquent que la proportion de personnes âgées concernées par le cancer va continuer à croître. L’incidence des cancers chez les moins de 65 ans va augmenter d’environ 15 % dans les trente prochaines années, tandis que celle des plus de 65 ans augmentera de plus de 60 %.
L’un des enjeux de la cancérologie est donc de développer une prise en charge adaptée à cette population. "Les stratégies de prise en charge oscillent encore trop souvent entre deux extrêmes non défendables éthiquement et scientifiquement : d’une part l’abstention thérapeutique au-delà d’un "certain âge" et d’autre part l’application de traitements ou protocoles apportant un bénéfice futile sans tenir compte des objectifs qui peuvent différer significativement selon l’âge des sujets traités", résume le Dr Florence Rollot-Trad, médecin interniste et gériatre à l’Institut Curie. En plus de l’évaluation des caractéristiques de la tumeur et de son pronostic, l’oncogériatrie repose aussi sur l’introduction d’une démarche d’évaluation plus "globale" du patient, pour aboutir à un plan de soin individualisé.
Contrôle de la maladie et qualité de vie 
"Pour ce faire, les médecins peuvent s’appuyer sur une série d’outils – des "échelles" ou "scores" – qui servent à dépister des risques de décompensation de pathologies associées ou de handicaps, à apprécier la qualité de vie ou encore à anticiper les toxicités", précise Etienne Brain, médecin oncologue à l’Institut Curie, co-coordinateur d’une des 5 Unité de Coordination en Oncogériatrie (UCOG) franciliennes. L’utilisation de ces échelles s’avère très souvent plus pertinente que l’"œil de l’oncologue" pour dépister les caractères de fragilité de la personne âgée. Parmi celles-ci, le G8, validé grâce à l’essai national Oncodage, est aujourd’hui recommandé par l’INCa à partir de 75 ans. En 8 items, le test aborde notamment l’aspect nutritionnel. Il est utile à l’oncologue pour déterminer quel patient doit être orienté vers un gériatre pour une expertise plus approfondie qui pourra éclairer alors une décision de traitement spécifique du cancer.
"Appréhender au mieux l’âge physiologique de la personne, plus significatif que l’âge chronologique, est un aspect du rôle des gériatres", souligne Florence Rollot-Trad. Par un entretien et un examen clinique approfondis lui offrant une vision globale de l’individu, le gériatre hiérarchise la place du cancer parmi les pathologies associées, les médications complémentaires et les ressources socio-environnementales. Avec pour objectif principal de maintenir la qualité de vie de ces patients, donc de préserver autant que possible leur autonomie durant tout le parcours de soins : plus une "quantité de vie de qualité" qu’une simple quantité de vie.

Protocoles de traitement adaptés
Tous les traitements peuvent être envisagés, dès lors qu’ils sont adaptés à l’âge physiologique et à l’état général des patients, et que leur toxicité est anticipée. La recherche clinique doit donc définir les modalités d’administration les plus adaptées à cette population. Des protocoles spécifiquement définis selon les caractéristiques des patients âgés doivent se développer, en gardant en mémoire que l’autonomie est bien le paramètre "clé" de cette qualité de vie. C’est notamment le cas du protocole multicentrique ASTER 70s/GERICO 11 débuté en mars 2012 et coordonné par le Dr Etienne Brain sous l’égide d’UNICANCER. Cet essai explore l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante post-opératoire chez 2000 femmes de 70 ans et plus, présentant un cancer du sein hormonosensible et sans surexpression de HER2, en fonction du grade génomique. C’est le premier essai thérapeutique multicentrique basé sur l’analyse d’un biomarqueur pronostique chez des personnes de plus de 70 ans. Plus de 70 établissements hospitaliers en France participent à cet essai, l’Institut Curie étant le premier centre recruteur.
Les études doivent se poursuivre pour mieux connaître les spécificités des cancers chez les personnes âgées et ainsi améliorer les réponses aux besoins croissants de cette population. Encore plus que pour les autres classes d’âge, l’oncogériatrie qui s’organise progressivement en France doit intégrer toutes les dimensions de la personne malade et conjuguer les approches gériatrique, oncologique, mais aussi familiale, cognitive et sociale.

Texte : Céline Guistranti
Crédit photo : Steve Murez
Mathilde Regnault
09/01/2015

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