Cancer 2015: Compte rendu du symposium international sur l'hadronthérapie à ions carbone

Un symposium international s'est tenu à Tokyo les 19 et 20 janvier 2015 pour établir un bilan sur l'hadronthérapie à ions carbone et ses applications pour traiter les cancers. Il a été organisé par le NIRS (National Institute of Radiological Science) à l'occasion du 20e anniversaire de l'HIMAC (Heavy Ion Medical Accelerator in Chiba), le dispositif d'hadronthérapie à ions lourds du NIRS.

Le Japon dispose d'une avance et d'une expérience considérables concernant ce nouveau type de radiothérapie, qui consiste à accélérer dans un cyclotron des ions carbone plutôt que des protons ou des photons. Il s'agit du seul pays où le nombre de patients traités par hadronthérapie à ions carbone est comparable à celui des patients traités par protonthérapie (11.000 et 14.000 respectivement), alors que cette dernière est la technologie très majoritairement utilisée dans le monde.

Nombre de patients traités par hadronthérapie à ions carbone et par protonthérapie dans le mondeCrédits : PTCOG

Le NIRS est l'établissement pionnier et la référence au niveau national et international en hadronthérapie à ions carbone. L'HIMAC a été construit dans le cadre du programme décennal du gouvernement japonais concernant la recherche sur le cancer en 1984 ; les premiers essais cliniques ont commencé en 1994, et les traitements sur patients en 2003. Le centre traite à présent près d'un millier de patients par an, pour un total de plus 9000 depuis ses débuts, ce qui représente environ trois quarts du total de patients traités par cette technologie au monde (13.000).

Trois autres instituts japonais sont opérationnels en hadronthérapie à ions carbone : le HIMBC à Hyogo (construit en 2001), le GHMC à Gunma (2010) et le SAGA-HIMAT à Saga (2013). Un cinquième institut à Kanagawa, nommé I-ROCK, est en phase de finalisation et sera opérationnel fin 2015. Trois autres projets sont également en phase avancée à Yamagata, Okinawa et Osaka, même si aucune date n'a encore été annoncée officiellement.

L'un des objectifs principaux du séminaire était la comparaison de cette nouvelle technologie avec la protonthérapie. L'hadronthérapie à ions carbone a pour avantage principal, dans le cadre de traitement de cancers, d'avoir une meilleure sélectivité et d'être très précise, grâce à une meilleure distribution de l'énergie : le pic de Bragg étant plus fin qu'avec des protons, le traitement cible mieux les tissus cancéreux et diminue les risques de lésion des tissus avoisinants. Cette précision est encore améliorée par le développement de quatre techniques définissant la seconde génération d'hadronthérapie à ions lourds : station tournante à supraconducteurs (superconducting rotating gentry), qui est en train d'être adaptée dans une salle de l'HIMAC qui devrait être opérationnelle fin 2015 ; balayage fin (spot scanning) ; positionnement automatique du patient ; et dispositif de synchronisation avec la respiration, qui vient de recevoir l'approbation du gouvernement il y a quelques semaines et devrait prochainement être utilisé. Ces techniques permettent également de réduire considérablement le temps de traitement, qui serait proche de 15 minutes contre 30 minutes par irradiation pour les dispositifs classiques. En outre, fort de son expérience de 20 ans, le NIRS a progressivement adapté les doses d'irradiation pour réduire le nombre de fractions et les risques de lésions.

Le principal inconvénient de l'hadronthérapie à ions carbone est son coût initial. La construction d'un centre nécessite en effet un espace important pour le cyclotron et un investissement initial de l'ordre de 30 milliards de yen (environ 230 millions d'euros), soit près du double de l'investissement requis pour un centre de protonthérapie (16 milliards de yen). Les frais de maintenance annuels sont également un peu plus élevés : 7 milliards de yens par an (soit environ 50 millions d'euros) contre 6 milliards par an pour la protonthérapie. Notons cependant que d'après une étude de la Keio University, ces coûts seraient largement compensés à long terme car, étant donné que l'hadronthérapie à ions carbone est plus efficace et prend moins de temps, les revenus pour un centre utilisant cette technologie seraient beaucoup plus importants que ceux d'un centre de protonthérapie (8 milliards de yen par an contre 4,7 milliards).

L'investissement initial semble cependant avoir découragé de nombreux pays à se doter de cette technologie. Les Etats-Unis, dont les recherches ont pourtant grandement contribué à la création de l'hadronthérapie à ions lourds, ne disposent à ce jour d'aucun centre d'application médicale de cette technique. Dans le monde, les seuls instituts d'hadronthérapie à ions carbone sont ceux de Heidelberg (2009) et Marburg (2015) en Allemagne, Pavia (2010) en Italie, Lanzhou (2009) et Shanghai (2014) en Chine, et Wiener Neustadt (2015) en Autriche. Il a été également fait mention du projet ETOILE en France au cours de la conférence, bien qu'aucune date ne soit avancée.

Le Japon, et plus particulièrement le NIRS, a une forte volonté de développer des partenariats à l'international et de partager son expérience dans le domaine de l'hadronthérapie à ions carbone. Le NIRS propose notamment deux grands programmes de coopération internationale : l'"Open Laboratory International Training Program" et le "Cooperative Basic Research using HIMAC". Jusqu'ici, les Etats-Unis restent le principal partenaire du Japon, notamment les universités du Texas et du Colorado dans le cadre de ces deux programmes.

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