Récidive biologique de cancer de l’ovaire : traitement immédiat ou retardé ?

Après l’obtention de la rémission complète d’un cancer, on propose généralement aux patients une surveillance rapprochée (s’appuyant sur l’imagerie et/ou la biologie selon les types de tumeurs) pour dépister le plus rapidement possible une récidive, si possible avant l’apparition de manifestations cliniques. Cette attitude repose sur l’idée intuitive selon laquelle, en cas de récidive locale ou métastatique, la précocité du traitement de seconde ligne est un facteur important du pronostic.

Cependant, faute d’études randomisées concluantes, le bien fondé de ce type de prise en charge n’est pas réellement démontré.

Dans le cas du cancer de l’ovaire après une première rémission complète obtenue grâce à une chimiothérapie de première ligne souvent associée à la chirurgie, la surveillance repose sur la clinique et sur le dosage d’un marqueur tumoral, le CA125. Or, les cliniciens en charge de ces patientes sont souvent confrontés à des élévations du CA125 sans aucun signe clinique et sans données d’imagerie en faveur d’une récidive. Dans ces cas ils doivent opter entre la mise en route immédiate d’un traitement de seconde ligne ou retarder celui-ci jusqu’à l’apparition de signes indiscutables de récidive.

En raison du doute sur la meilleure stratégie à adopter le British Medical Research Council (MRC) et l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) ont conjointement entrepris en 1996 un vaste essai international randomisé.

529 récidives traitées immédiatement ou secondairement
En résumé, 1 442 patientes en rémission complète après un traitement de première ligne pour un cancer de l’ovaire (CA125 normal) ont été admises dans l’essai. La thérapeutique initiale avait comporté une chimiothérapie à base de sels de platine associés dans 54 % des cas à un taxane. Une surveillance clinique, radiologique, échographique et par dosage du CA125 a été réalisée tous les 3 mois. Les résultats du dosage de CA125 n’étaient communiqués ni aux patientes, ni à leurs médecins. Dans le cas où une élévation à plus de 2 fois la valeur supérieure de la normale était constatée, une randomisation entre traitement immédiat et traitement retardé était entreprise. Les patientes assignées au traitement immédiat en étaient bien sûr informées et celui-ci était débuté le plus rapidement possible. Les autres malades étaient laissées dans l’ignorance de leurs résultats (ainsi que leur médecin) et une thérapeutique n’était mise en route que si des signes non biologiques de récidive apparaissaient lors de la surveillance. Le traitement de seconde ligne (immédiat ou retardé) était laissé à la discrétion des cliniciens (généralement chimiothérapie par sels de platine seuls ou associés à un taxane avec dans 35 cas une seconde intervention chirurgicale).

Le critère principal de jugement était la survie moyenne.
Sur les 1 442 patientes enregistrées, 529 ont présenté une élévation isolée du CA125 et ont été randomisées. Le traitement de seconde ligne a été débuté en moyenne 4,8 mois plus tôt dans le groupe immédiat.

Pas d’influence de la précocité du traitement sur la survie
Contrairement à ce que l’on pouvait penser intuitivement, après un suivi médian de 56,9 mois aucune différence de survie n’a été constatée entre les deux groupes (186 décès dans le groupe traitement précoce contre 184 dans le groupe traitement retardé ; p=0,85, NS). La survie médiane a été également similaire (25,7 mois avec le traitement précoce contre 27,1 mois avec le traitement retardé ; NS). Cette absence de différence de survie a été constatée malgré un plus grand nombre de cycles de chimiothérapie de seconde ligne et un plus grand pourcentage de patientes ayant reçu une chimiothérapie de troisième ligne dans le groupe immédiat (67 % contre 54 %). En terme de qualité de vie, le traitement retardé est apparu supérieur au traitement immédiat (9,2 mois de vie passés avec un score satisfaisant de santé globale contre 7,2 mois dans le groupe immédiat).

Une interprétation délicate
Pour les auteurs, malgré quelques réserves, leur étude démontrerait qu’il n’y a pas d’avantage à entreprendre immédiatement une chimiothérapie de seconde ligne en cas de récidive purement biologique. Par voie de conséquence le dosage du CA125 pourrait ne plus être systématique et en tout état de cause ses résultats ne devraient être communiqués qu’aux femmes informées qui le souhaiteraient.

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