Grossesse après cancer du sein

Le cancer du sein chez la femme jeune est une situation rare et difficile à prendre en
c h a rge, car de pronostic réservé et associé à un traitement souvent agressif pouvant
e n t r a î n e r, en plus de la mutilation physique, un retentissement sur la capacité de reproduction.
Les femmes ont actuellement leur premier enfant de plus en plus tard pour des raisons
professionnelles, personnelles, d’éducation ou autres. Les grossesses succédant à un cancer
du sein sont donc des situations rares, mais de plus en plus souvent rencontrées du fait de
l’augmentation régulière de l’incidence du cancer du sein et de l’âge des femmes de plus en
plus avancé au moment de leur première grossesse.
Une enquête de la Société française de gynécologie , en 1985, a recueilli l’opinion de
316 praticiens sur la question de la grossesse après traitement d’un cancer du sein : la majorité
exprimait leur méconnaissance du problème et la grande subjectivité de leur réponse, ils
déconseillaient en fait la grossesse a priori, estimant que celle-ci augmente le risque de
rechute.
O r, la revue de la littérature de 1954 à 2004, sur l’influence de la grossesse survenant après
traitement d’un cancer du sein, ne montre pas d’effet délétère de celle-ci sur le pronostic de
la maladie. Cependant, ces données reposent sur des études rétrospectives et de faible effectif,
c’est pourquoi une étude prospective de grande envergure est attendue pour asseoir ces
conclusions et permettre une conduite à tenir éclairée.

Données épidémiologiques
En France, 42 000 nouveaux cas de cancer du sein ont été diagnostiqués. Six pour cent surviennent
chez des femmes de moins de 40 ans . On estime que 10 à 15 % des femmes en âge de
procréer présenteront une grossesse (quel qu’en soit l’issue) après leur cancer du sein.

Cancer du sein et hormones
Les estrogènes sont un facteur de croissance reconnu dans le cancer du sein. C’est pour
cette raison que le bouleversement hormonal et les taux élevés d’estrogènes au cours de la
grossesse inquiètent et rendent la notion même de gestation problématique.
Le cancer du sein étant hormonodépendant, la survenue d’une aménorrhée temporaire ou
définitive après traitement est, pour certains, une arme thérapeutique et non plus seulement
un effet secondaire toxique. La castration prophylactique chirurgicale ou radiothérapique a
été largement utilisée dans les années 1960-1970. Cette aménorrhée est-elle d’une véritable
utilité thérapeutique ? Cette question n’est toujours pas résolue, en revanche, la privation hormonale
radicale et définitive n’est plus de mise.

Fertilité après traitement du cancer du sein
chez une femme jeune
La fertilité de la femme peut être altérée suite aux traitements mis en place dans la stratégie
thérapeutique du cancer du sein.

Le traitement chirurgical
La chirurgie du cancer du sein, qu’elle soit radicale ou conservatrice, n’a pas de retentissement
sur la fertilité de la patiente. En revanche, il est bien évident qu’elle a un impact sur
la vie sexuelle de la femme, surtout en cas de mastectomie totale.

La chimiothérapie
La chimiothérapie a fait la preuve de son efficacité thérapeutique dans le cancer du sein. Le
bénéfice de la chimiothérapie adjuvante est plus important chez les femmes de moins de 50 ans
que plus âgées. Les indications reposent sur les conférences de consensus européennes de Saint-Gallen ou nord-américaines de Bethesda : toute patiente de moins de 35 ans présentant une tumeur infiltrante du sein doit bénéficier d’une chimiothérapie adjuvante, quelles que soient les autres caractéristiques de sa tumeur. La chimiothérapie entraîne fréquemment aménorrhée et ménopause précoce qui auront une répercussion sur l’avenir obstétrical.

Les effets des agents cytotoxiques
La cytotoxicité recherchée à l’encontre des cellules cancéreuses s’associe inévitablement
à une toxicité sur les tissus sains. Il existe des effets toxiques aigus et réversibles en particulier sur la moelle osseuse, les phanères et le tractus digestif. Les conséquences à moyen ou
long terme notamment sur les gonades et la fonction reproductrice sont moins bien connues.
Deux conséquences fréquentes de la chimiothérapie sont l’aménorrhée et la ménopause précoce.
La toxicité des drogues peut aboutir à une simple perturbation des taux hormonaux avec
conservation des cycles menstruels ou à une ménopause définitive.
Au niveau tissulaire, la chimiothérapie cytotoxique entraîne une absence de maturation folliculaire,
une fibrose ovarienne, voire une destruction folliculaire.
La survenue d’une aménorrhée est difficilement prévisible et va dépendre de la dose des
agents cytotoxiques administrés et de l’âge de la patiente, le capital folliculaire diminuant
inexorablement au cours de la vie de la femme, avec un facteur individuel variable.

Les facteurs modulant l’intensité de l’effet de la chimiothérapie sur les ovaires
• Les drogues utilisées : les agents alkylants et le cyclophosphamide sont toxiques pour les
gonades.
• Les doses et durée du traitement : la réversibilité de l’hypogonadisme va dépendre de la dose
cumulative des agents cytotoxiques.
• Le rôle de l’âge de la patiente : les taux d’aménorrhée sont très différents en fonction de
l’âge de la patiente avec une frontière entre 35 et 40 ans. Les taux d’aménorrhée étant faibles
avant 35 ans et élevés après 40 ans. Plus l’âge augmente, plus une dose faible est suffisante
pour induire une aménorrhée.

La radiothérapie locorégionale
L’irradiation dans le traitement du cancer du sein peut intéresser le sein traité, la paroi ou
les aires ganglionnaires axillaire, sus-claviculaire et mammaire interne. Un rayonnement diffusé
au pelvis est possible mais négligeable, ne pouvant entraîner d’insuffisance ovarienne.

L’hormonothérapie

Le tamoxifène
Une hormonothérapie par tamoxifène (antiestrogène à activité estrogénique faible) entraîne
des irrégularités dans le cycle menstruel qui est généralement respecté. La fertilité est donc
conservée dans le cadre d’un traitement par tamoxifène seul. Le tamoxifène étant tératogène
chez l’animal, il impose une contraception efficace et de part sa durée de prescription (5 ans),
diffère donc la possibilité de grossesse.

La castration
De nos jours, la castration est le plus souvent temporaire et réversible par des analogues de la LHRH
; elle est volontiers associée au tamoxifène chez les femmes de moins de 35 ans (si récepteurs
hormonaux positifs)

Influence d’une grossesse après traitement d’un cancer du sein sur le pronostic de la maladie et la survie des patientes : revue de la littérature
Les “interdits” des médecins et les castrations définitives fréquentes avant les années 1970 ont
fait qu’il était alors rare d’observer des grossesses chez des femmes traitées auparavant d’un cancer du sein. Cependant, à la suite de la publication de Peters en 1968 suggérant que la survenue d’une grossesse après un cancer du sein pouvait avoir une influence bénéfique sur la survie des patientes traitées, un courant d’opinions différentes est apparu. Cette publication qui comportait un biais de sélection puisque seules les femmes bien portantes débutaient une grossesse, a au un impact considérable sur le corps médical, qui a revu ses interdits. À la suite de cette publication et d’autres menées ultérieurement, on a observé une augmentation progressive de la fréquence des grossesses
chez les patientes de moins de 40 ans, traitées antérieurement pour un cancer du sein.
De nombreuses études, toutes rétrospectives, ont été menées afin d’évaluer le retentissement
d’une grossesse après traitement d’un cancer du sein, sur le pronostic de la maladie, la
survie des patientes et de proposer une conduite à tenir en cas de désir de grossesse chez une
femme jeune ayant été traitée pour un cancer du sein.
Des premières études ont suggéré que la survenue d’une grossesse après un cancer du sein
pouvait avoir une influence bénéfique sur la survie des patientes traitées mais ces études comportaient
un biais de sélection : seules les patientes bien portantes débutaient une grossesse,
ou elles n’utilisaient pas des techniques statistiques appropriées à la comparaison d’un groupe
constitué a posteriori à un groupe de référence. Il ressort de toutes ces études que la survenue
d’une grossesse n’aggrave pas le pronostic d’un cancer du sein traité
L’étude de Harv e y[ , publiée en 1981, concerne 41 patientes traitées pour un cancer du sein
ayant présenté une grossesse ultérieurement pendant la période de 1940 à 1970. Aucun effet délétère
de la grossesse n’a pu être démontré, même parmi les patientes présentant un envahissement
ganglionnaire axillaire au moment du diagnostic de la maladie, ou parmi les patientes ayant débuté
leur grossesse moins de 2 mois après la chirurgie du sein. Cette étude montre aussi que l’avortement
n’améliore pas la survie. L’auteur conclut que la grossesse ne doit pas être évitée ou interrompue
chez des patientes traitées pour un cancer du sein et en apparente rémission.
L’enquête de la Société française de gynécologie [ 1 ] , menée en 1985, a permis de répertorier
68 observations françaises de grossesses après cancer du sein. Parmi ces 68 observations,
27 patientes ont eu une ou plusieurs grossesses précocement interrompues volontairement
ou non et 41 ont eu au moins une grossesse menée à terme.
Leur évolution a été comparée à celle de 136 patientes témoins comparables en tout point, excepté
la survenue de la grossesse après traitement du cancer du sein. Chacune des 68 patientes a été comparée
à 2 témoins appariés sur l’âge, la date du diagnostic de cancer du sein, l’année de traitement
de la tumeur, le statut TNM, l’histologie de la tumeur et les traitements locaux et généraux. Seuls
ont été retenus comme témoins, les patientes dont le suivi montrait une rémission sans rechute au
moins égale au délai entre le traitement et le début de la grossesse du cas correspondant. Ces témoins
ont été obtenus par tirage au sort, à partir de trois fichiers de grands centres anticancéreux.

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