Cancers 2011 : les promesses de l'arsenic


Déjà utilisé dans une leucémie, ce «poison» aurait aussi des effets dans d'autres tumeurs.

Surtout connu pour envoyer ses victimes ad pâtres, l'arsenic est un poison violent, utilisé

aussi depuis plus de 2000 ans pour tenter de soigner des maladies. «C'est d'ailleurs un ancien texte de

médecine traditionnelle indiquant le trioxyde d'arsenic pour traiter une mystérieuse maladie hémorragique, qui a incité des médecins chinois de tester ce produit dans une forme de leucémie caractérisée par des hémorragies massives, la leucémie promyélocytaire aiguë», raconte le Dr Lionel Adès, hématologue à l'hôpital Avicennes (Bobigny). Bingo ! Dans cette forme rare de cancer - 150 cas par an en France -, le trioxyde d'arsenic s'avère très efficace. Il agit en détruisant une protéine cancéreuse anormale qui empêche les précurseurs des polynucléaires - des cellules sanguines de type globules blancs -, de se développer puis de mourir normalement.

Actuellement, le traitement standard repose sur une chimiothérapie et l'Atra*, cette association a radicalement changé le pronostic autrefois très sombre de cette leucémie qui guérit aujourd'hui dans 90 % des cas. Le trioxyde d'arsenic n'est autorisé qu'en seconde ligne, en cas de rechute, ou en remplacement partiel du protocole actuel. Mais plusieurs essais sont en cours, dont un piloté par le Dr Adès, pour voir si, «compte tenu de sa toxicité beaucoup plus faible que celle de la chimiothérapie», il ne conviendrait pas de l'utiliser d'emblée. «Les résultats préliminaires semblent indiquer une efficacité comparable. Mais il faudra attendre quatre ou cinq ans avant les résultats définitifs», précise le Dr Adès.

Nouvelles perspectives

C'est dans ce contexte que paraît dans le Journal of Clinical Investigation un article qui semble ouvrir de nouvelles perspectives au trioxyde d'arsenic. Une équipe américaine y montre que cette molécule utilise au moins un autre mode d'action sur les cellules cancéreuses. Elle s'attaque à la cible d'une voie métabolique anormalement activée dans de nombreux cancers, appelée Hedgehog. Quand elle est activée, cette voie favorise le développement de cancers par l'intermédiaire d'une protéine, GLI1. Ces chercheurs constatent que le trioxyde d'arsenic inhibe la GLI1, empêchant ainsi la croissance des tumeurs. Ces effets ont été observés non seulement sur des cellules cancéreuses en culture, mais aussi sur des souris modèles d'un cancer cérébral de l'enfant, le médulloblastome, et d'une tumeur osseuse, le sarcome d'Ewing. Ainsi, la survie des souris modèles de médulloblastome passe de 4,8 mois à 7,4 mois après traitement par le trioxyde d'arsenic.

Ces résultats sont prometteurs parce que GLI1 est au bout de toute une série de signaux de cancérisation, et que le trioxyde d'arsenic pourrait agir là où d'autres médicaments ne le peuvent pas. Bien évidemment, on est très loin d'une application, surtout en cancérologie pédiatrique. Mais cette piste paraît d'autant plus séduisante que le pronostic du médulloblastome reste moyen, jusqu'à 80 % de guérison selon l'âge et l'évolution de la tumeur. De plus, la maladie et les traitements - chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie - ne sont pas sans séquelles. «Des progrès importants nous permettent de mieux typer ces tumeurs et d'adapter le traitement à leurs caractéristiques biologiques, explique le Pr François Doz, pédiatre-oncologue (Institut Curie). La voie Hedgehog est activée dans environ 25 % des cas de médulloblastome. La plupart des traitements antagonistes de cette voie en cours de développement visent son étape initiale. Ils sont porteurs d'espoir mais ne peuvent contrecarrer une activation anormale de la voie en aval.» Et ce spécialiste de conclure : «Disposer d'un traitement qui agirait sur la cible finale de cette voie serait donc très intéressant. Bien sûr, il faut encore beaucoup de validations, mais ce travail justifierait qu'on envisage des essais thérapeutiques dans un avenir pas trop lointain.»

*Acide tout-transrétinoïque, une molécule utilisée en cancérologie.

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