Cancer 2011: Un peu d'aspirine contre le cancer colo-rectal


Un apport de 75 mg par jour réduit l'incidence et la mortalité de ces tumeurs. Mais l'automédication reste déconseillée.

Prise régulièrement pendant des années, une dose minime d'aspirine (75 milligrammes par jour) peut diminuer de 24 % le risque de cancer colo-rectal et réduire d'un tiers sa mortalité chez les patients atteints. C'est ce qu'estiment des médecins britanniques, dont l'étude a été publiée vendredi dans la revue médicale The Lancet. Pour Peter Rothwell, de l'université d'Oxford, premier auteur de l'article, un traitement par de petites doses d'aspirine pourrait être prescrit à titre préventif aux individus à haut risque de tumeurs colo-rec­tales, par exemple du fait d'un terrain familial. Mais il semble prématuré de proposer plus largement cette stratégie de «chimio-prévention» dans la population, notamment du fait des effets secondaires de l'aspirine au niveau digestif (irritations, saignements).

Les cancers colo-rectaux sont parmi les tumeurs malignes les plus fréquentes dans les pays développés. En France, environ 37.000 nouveaux cas sont enregistrés annuellement, ce qui place ces cancers au troisième rang en termes d'incidence et au deuxième pour la mortalité. On constate une prédisposition familiale dans 17 % des cas.

Ces dernières années, plusieurs études ont déjà suggéré des vertus protectrices de l'aspirine (à des doses quotidiennes de quelques centaines de milligrammes), chez des personnes à haut risque de ces cancers ou déjà malades. L'intérêt du travail de Peter Rothwell et de ses collègues est d'avoir compilé les données de cinq vastes études sur le sujet, conduites au Royaume-Uni, en Hollande et en Suède. Les auteurs ont ainsi pu analyser une population de 14 000 patients, soumis ou non à un apport quotidien d'aspirine (en prévention cardio-vasculaire) pendant six ans. Durant les dix-huit ans de suivi, 2,8 % d'entre eux ont développé un cancer colo-rectal.

«Je vais m'autoriser cette stratégie»

Au total, pendant cette période, le risque de survenue de ces tumeurs est réduit de 24 % chez les personnes prenant de l'aspirine. Et la mortalité de ces cancers est diminuée de 35 %. Le bénéfice est observé pour des doses quotidiennes de 75 mg, et les posologies plus élevées n'induisent pas de bénéfice supplémentaire, précisent les chercheurs. Ils notent aussi que l'effet protecteur de la molécule concerne surtout les tumeurs situées dans la première partie (dite proximale) du côlon, zone plus difficile à visualiser par les examens d'endoscopie. L'aspirine n'aurait pas de rôle protecteur sur les cancers de la partie distale du côlon et au niveau du rectum.

Pour les chercheurs britanniques, ces résultats ont des implications pour la pratique quotidienne. Chez les patients qui relèvent d'un traitement antiagrégant pour réduire le risque d'accident cardio-vasculaire, l'argument de la prévention des cancers colo-rectaux devrait faire pencher la balance en faveur de l'aspirine plutôt que d'une autre molécule. «Je vais m'autoriser dès maintenant cette stratégie chez les personnes à haut risque de cancer familial, bien informées des bénéfices et des risques de l'aspirine», commente le Pr Robert Benamouzig de l'hôpital Avicenne, à Bobigny, qui cosigne un éditorial associé à l'article. «Cette étude est sans doute la goutte d'eau qui va faire déborder le vase, et inciter les experts à se réunir pour décider qui devrait bénéficier de cette prévention par aspirine», ajoute le gastro-entérologue. Mais en attendant un tel consensus, il décourage ceux qui seraient tentés par une automédication de le faire.

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