Le nouveau défi du cancer du sein : guérir sans séquelle

Avec 85 % de survie à cinq ans, les médecins s'attellent à réduire les effets à long terme des traitements.

Grâce aux progrès thérapeutiques et du dépistage, la grande majorité des cancers du sein peut désormais guérir. Parmi les 52 000 nouveaux cas de ces cancers enregistrés annuellement en France, 84% sont désormais en vie cinq ans après le diagnostic. Et les chiffres sont encore plus spectaculaires pour les tumeurs traitées à un stade précoce. «Leur taux de rechute à dix ans n'est plus que de 6%. Il atteignait 15% il y a quinze ans», précise le Dr Alain Fourquet, président de la 7e Conférence européenne sur le cancer du sein, qui s'est tenue fin mars à Barcelone.

Hier préoccupés surtout par la guérison de leurs malades, les spécialistes du cancer du sein ont désormais en plus un nouvel objectif : leur offrir la meilleure qualité de vie possible. Car l'amélioration spectaculaire du pronostic de ces tumeurs a mis en relief le risque de séquelles et d'effets secondaires tardifs des traitements. En suivi de routine, les médecins sont de plus en plus souvent confrontés à de multiples symptômes ou pathologies favorisés par les chimiothérapies ou la radiothérapie : prise de poids, troubles cognitifs, problèmes cardio-vasculaires…

«Certains effets secondaires apparaissent un à deux ans après le traitement, comme des troubles de la concentration ou de la mémoire. D'autres peuvent survenir jusque huit à dix ans après, explique le Dr Étienne Brain, oncologue à l'Institut Curie. Même avec des médicaments qui semblent anodins, il existe un besoin de vigilance à long terme, qui doit être intégré dans le suivi.»

Adapter la radiothérapie à l'anatomie de la patiente

Ces dernières années, de multiples travaux ont également été menés pour mieux cerner et prévenir les risques à long terme des radiothérapies. Avec un recul de vingt ans, celles-ci augmenteraient de 1,5% la mortalité d'origine cardiaque, selon des études datant des années 1960-1980. L'excès de mortalité devrait toutefois diminuer avec l'amélioration des techniques depuis les années 1980, note le Dr Fourquet. Quant aux possibles cancers radio-induits, ils sont actuellement étudiés de près, pour en comprendre les mécanismes et rechercher des facteurs prédictifs.

Dans l'expérience du Dr Youlia Kirova, radiothérapeute à Curie, les tumeurs secondaires à la radiothérapie, sarcomes ou cancers du poumon, sont toutefois «extrêmement » rares. De plus, pour les tumeurs du poumon, la responsabilité de la radiothérapie est souvent difficile à établir, car elles surviennent dans la grande majorité des cas chez des fumeuses, relève le Dr Kirova. «Nous travaillons beaucoup pour adapter la radiothérapie à l'anatomie de la patiente, à son âge et aux traitements déjà reçus », explique encore la radiothérapeute. Ainsi, les séances sont fréquemment fractionnées (une par semaine) chez les personnes âgées.

Les gestes chirurgicaux et les traitements médicaux sont eux aussi de plus en plus souvent ciblés, en fonction des caractéristiques de la tumeur. Cette nouvelle stratégie a commencé avec l'herceptine, un anticorps fixant le récepteur HER2, qui est proposé aux 10 à 15% de femmes chez qui ce récepteur est activé.

L'environnement de la tumeur

D'autres molécules bloquant spécifiquement la croissance tumorale ou la formation des vaisseaux qui l'alimentent sont commercialisées ou en cours d'essais. «Nous connaissons aujourd'hui une vingtaine de formes de cancers du sein, et avons démontré que l'hétérogénéité existe dès les phases précoces de la maladie », explique la pathologiste Anne Vincent-Salomon.

Les chercheurs s'intéressent aussi beaucoup à l'environnement de la tumeur, «ce gazon qui facilite l'épanouissement des cellules cancéreuses et que nous pourrons un jour moduler », explique Anne Vincent-Salomon. Ces progrès tous azimuths sur la prise en charge ne doivent pas faire oublier qu'un tiers des cas de cancers du sein pourrait être évité si les femmes mangeaient moins et faisaient davantage d'exercice physique, comme l'ont rappelé des chercheurs lors du congrès de Barcelone.

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