Cannabis et cancer : des liens trop peu étudiés

Décrit scientifiquement dès 1753, le cannabis a révélé peu à peu ses propriétés. Les scientifiques étudient aujourd'hui son principe actif le célèbre delta9 - tetra-hydrocannabinol (THC). A la clé : une meilleure compréhension des mécanismes pharmacologiques mais également la perspective de recherche dans des domaines différents, en particulier en cancérologie.

Facteur de risque ou agent antitumoral ?

Alors que la consommation de tabac régresse, celle du cannabis est en constante progression depuis plusieurs années1. Outre ses effets immédiats (ivresse, excitation, erreurs d'appréciation de l'espace, hallucinations), l'usage répété de cannabis serait capable d'entraîner des conséquences psychiatriques et comportementales, révélant ou aggravant différentes maladies : troubles psychotiques, troubles anxieux, schizophrénie, dépression…2,3.

Cancer cannabisMais le cannabis est-il un facteur de risque de cancer ou au contraire un agent antitumoral ? Son implication dans la survenue du cancer du poumon est la plus souvent évoquée. Cependant, l'AERIO estime que "les différents produits de consommation doivent être considérés séparément. Ainsi, le cannabis fumé est mélangé avec du tabac, facteur confondant majeur pour ces études épidémiologiques. De même, les résines peuvent contenir différents produits carcinogènes le plus souvent non identifiés". Considérant les cancers ORL des sujets jeunes, les études ne permettent pas d'apporter une réponse définitive quant à la toxicité propre du cannabis.

Une étude européenne récente4 n'a pas mis en évidence de risque lié à sa consommation.

A l'inverse, des travaux in vitro ont constaté dès 1970 une activité antiproliférative du THC5,6 face à certains cancers. Confirmées depuis chez l'animal7,8, ces données ont conduit à des études cliniques en cours de développement, en particulier pour la prise en charge du glioblastome (forme de tumeur cérébrale). Ainsi selon une récente étude publiée dans la revue Cancer Research, des dérivés cannabinoïdes seraient capables de détruire certains types de tumeurs en bloquant la croissance des vaisseaux qui les irriguent.

Des effets symptomatiques bien connus

Les applications du cannabis en tant qu'agent antitumoral constituent ainsi un domaine de recherche en cours. Cependant, la littérature scientifique est plus volubile quant à ses effets symptomatiques immédiats. L'AERIO rappelle ainsi que les cannabinoïdes ont démontré différentes activités9,10,11 :

  • Inhibition des nausées et vomissements (des molécules sont actuellement en cours de développement clinique pour cette indication) ;
  • Stimulation de l'appétit (utilisation approuvée pour la cachexie liée au sida) ;
  • Analgésie (pouvoir antalgique habituellement considéré comme équivalent aux dérivés codéinés avec un possible effet combiné des cannabinoïdes avec les opiacés) ;
  • Sédation, action anxiolytique, activité antidépressive.

Par ailleurs, d'autres études sont en cours sur la prise en charge de neuropathies périphériques, des syndromes myasthéniques ou de la sclérose en plaque.


Demain du cannabis sur l'ordonnance ?

Malgré une aura sulfureuse, certaines études permettent petit à petit de dresser le profil des consommateurs, les bénéfices attendus et les effets secondaires du cannabis à usage thérapeutique. La plus ambitieuse a été commandée par le collège des pharmaciens catalans12. Portant sur 2 200 patients adhérents à trente associations de malades, cette étude a révélé que :

  • Seuls 6 % (130 patients) ont reconnu utiliser du cannabis à des fins thérapeutiques. Près de la moitié souffraient d'un cancer, les autres pathologies (sida, sclérose en plaque...) représentant chacune moins de 10 %des patients ;
  • De façon surprenante, le patient consommateur type est une femme de 45 ans, utilisant le cannabis sur une période réduite (3 mois à 1 an), essentiellement fumé (69 %), mais aussi ingéré (23 %) ou infusé (16 %) ;
  • Dans 63 %des cas, c'est à sa propre initiative et dans 13 % sur le conseil d'un médecin ;
  • Les effets bénéfiques sont l'amélioration des troubles du sommeil (56 %), des douleurs (46 %), de l'appétit (46 %) et des nausées (43 %) ;
  • Les effets secondaires sont une sécheresse buccale chez 44 % des patients, une modification de l'état émotionnel, des difficultés à mémoriser et une irritation oculaire pour 22 %d'entre eux.

Alors que certains états ont décidé une légalisation du cannabis à visée thérapeutique, l'industrie pharmaceutiques développe de nombreux cannabinoïdes (comme le rimonabant® actuellement en cours de développement pour aider au sevrage tabagique et à lutter contre l'obésité). A l'heure où la morphine est définitivement acceptée comme un pilier des soins de support en cancérologie, l'AERIO regrette que les mentalités concernant les cannabinoïdes évoluent toutefois lentement avec peu d'essais thérapeutiques.

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