Cancer de la langue, un premier robot chirurgical

Paris Match. Les cancers de la langue sont-ils fréquents ? Quels en sont les traitements habituels ?
Dr Gilles Dolivet. En France, on en recense plus de 2 000 par an dont 90 % surviennent chez l’homme et 10 % chez la femme. Il existe plusieurs traitements correspondant à l’évolution de la maladie. Si ces cancers sont de petite taille, on peut les opérer sans mutilation (sans enlever une trop grande partie de la langue) et prescrire ensuite une radiothérapie (quatre à six semaines après la chirurgie). Mais quand ces tumeurs sont trop importantes, on tente d’associer chimiothérapie et radiothérapie.

Quelles sont les suites opératoires ?
Les patients restent hospitalisés deux ou trois semaines car il s’agit d’une chirurgie lourde. Le praticien doit effectuer une ouverture du cou jusqu’à la ­cavité buccale et il est parfois contraint de réaliser une trachéotomie (une canule est placée à l’intérieur de la trachée ­durant une dizaine de jours). Le malade est nourri par une sonde. Au réveil, il est ­nécessaire, pour calmer les douleurs, d’administrer un traitement à base de morphine. Il faut habituellement attendre six mois pour reprendre une vie active.

Quels résultats obtient-on avec ces protocoles ?
Au niveau locorégional, on a de bons résultats dans 70 à 75 % des cas, puis on recense chez ces patients 50 à 55 % de guérison après cinq ans.

En quoi consiste la nouvelle technique chirurgicale par robotisation ?
Elle est réalisée avec le robot Da Vinci, qui est installé à côté du patient. Cet appareil comporte une console et trois bras articulés dont l’un est muni de deux caméras miniatures et les deux ­autres d’instruments de très petite taille (5 millimètres). L’opération se déroule en deux phases. Durant la première, les deux caméras sont placées dans la cavité buccale du malade, permettant au chirurgien d’avoir une vision binoculaire en trois dimensions du champ opératoire (très agrandi par le système optique). Puis, le praticien introduit les extrémités des deux autres bras du robot, dont l’un est muni d’une fine pince et l’autre d’un petit crochet coagulant. Durant la ­seconde phase, le chirurgien, qui a positionné sa tête en face de deux micro-écrans rappelant des jumelles, manipule des manettes qui dirigent avec une précision extrême les mouvements des bras articulés. Le crochet coagulant dissèque la tumeur avec une grande sécurité.

Quel est le plus grand avantage de cette technique par robotisation ?
Grâce à cette vision amplifiée du champ opératoire, il peut explorer d’autres zones de la cavité buccale, ­difficilement accessibles avec la chirurgie conventionnelle. Il va donc pouvoir, dans un même temps opératoire, intervenir sur d’autres lésions découvertes au cours de l’intervention.

Avec ce robot, quelles sont les suites ?
Les premiers résultats montrent une diminution considérable de la durée d’hospitalisation, qui est d’une dizaine de jours. Les douleurs étant moindres, le patient reçoit beaucoup moins de produits morphiniques. La récupération fonctionnelle est plus rapide et la radiothérapie peut être mise en route plus vite. Il s’agit d’une technique nouvelle et nous n’avons qu’un recul de deux ou trois ans, mais nous constatons déjà, après ce délai, les mêmes résultats qu’en chirurgie classique. Il existe tout de même des contre-indications : certaines formes de cavité buccale ne permettent pas bien l’introduction des instruments.

Quels sont les avantages de cette intervention par robotisation ?
Il y en a quatre. 1. Une plus grande précision du geste. 2. La possibilité de déceler et de traiter d’autres lésions. 3. Des suites moins douloureuses. 4. Une récupération plus rapide.

En France, où peut-on être opéré avec ce nouveau procédé ?
Dans cinq centres hospitaliers : les CHU de Nancy, de Tours et de Lyon-Sud, le Centre anticancéreux de Lille et l’hôpital Georges-Pompidou à Paris. Point final

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