Cancer du sein, meilleur pronostic avec les traitements ciblés 2010

Pouvez-vous rappeler la fréquence en France des cancers du sein ?

Dr Véronique Diéras. On a recensé 51 000 cas en 2008. Une femme sur huit en moyenne a ou aura un cancer mammaire. Mais on observe actuellement plus de 70 % de guérison.

Quels sont les différents types de tumeurs ?
On les classe schématiquement dans trois catégories. 1. Les hormonodépendants, dont les cellules cancéreuses possèdent des récepteurs (petites antennes) aux œstrogènes et à la progestérone, hormones qui favorisent la prolifération des cellules malignes (environ 70 % des tumeurs). 2. Les cancers “HER2 positif” (20 % des tumeurs), beaucoup plus agressifs, présentant à la surface des cellules un récepteur HER2, qui, à lui seul, entraîne la multiplication des cellules cancéreuses et favorise leur diffusion pour former des métastases. 3. Les cancers “triple négatif”, qui ne possèdent aucun récepteur et sont encore plus agressifs que les précédents.

Outre la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, quels sont les traitements ciblés aujourd’hui utilisés ?
Pour les cancers hormonodépendants, les produits antihormonaux sont la clé de voûte du traitement. Leur but est de contrecarrer spécifiquement les effets des hormones dans la cellule cancéreuse. 1. Le chef de file de ces médicaments chez les femmes jeunes ou ménopausées est le tamoxifène qui entre en compétition avec les œstrogènes au niveau du récepteur et bloque son action. 2. Les inhibiteurs de l’aromatase sont utilisés uniquement chez les femmes ménopausées. L’aromatase est une enzyme responsable de la production d’œstrogènes au niveau des tissus graisseux et mammaires. 3. Un autre médicament plus récent, toujours pour les ménopausées : le fulvestrant (par voie intramusculaire) entraîne la dégradation des récepteurs aux œstrogènes.

Quels sont les résultats de ces traitements ciblés ?
Dans la grande majorité des cas, ces traitements sont efficaces. Le tamoxifène est sans doute le médicament qui a sauvé le plus de vies ces trente dernières années ! Mais, chez certaines patientes, on observe une résistance à l’hormonothérapie. On a alors deux solutions : soit on modifie le traitement, soit on envisage une chimiothérapie. Les résultats varient en fonction des caractéristiques biologiques de la tumeur et des caractéristiques génétiques de chaque patiente.

Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par caractéristiques génétiques ?
Un médicament ciblé, une fois introduit dans l’organisme, va subir des transformations, variables selon les métabolismes, avant d’atteindre son but. Comme génétiquement nous sommes tous différents, un même médicament n’aura pas la même efficacité chez toutes les patientes. A l’avenir, l’idéal sera de prescrire un traitement anticancéreux non seulement en fonction de la tumeur mais aussi des gènes.

Pour les cancers hormonodépendants, quelles sont les avancées ?
Des études internationales sont actuellement en cours sur des femmes atteintes de récidive sous hormonothérapie, pour développer de nouveaux traitements ciblés avec des molécules qui vont renforcer l’efficacité des anti-hormonaux actuels ou prévenir les résistances. A l’Institut Curie, nous avons des résultats encourageants qui devraient être confirmés dans un avenir proche.

Pour la catégorie des cancers “HER2 positif”, où se situent les progrès ?
On a assisté à une véritable révolution avec l’avènement de l’herceptine, un anticorps administré par voie intraveineuse qui bloque l’activité du récepteur HER2. Associé à la chimiothérapie, ce traitement a permis de diminuer de 35 % le risque de récidive et, en situation métastatique, de transformer le cancer en maladie chronique. Mais là encore il existe des résistances. Un produit récent qui agit sur un site différent du récepteur, le lapatinib, permet, en cas de résistance, de freiner la prolifération des cellules malignes. Une nouvelle approche semble être très prometteuse : elle consiste à fabriquer en laboratoire un même produit qui associe l’herceptine à une drogue de chimiothérapie. Avec cette technique, la drogue toxique ne sera libérée qu’au sein de la cellule tumorale et non plus dans les cellules saines : plus de perte de cheveux et beaucoup moins d’effets secondaires.

En ce qui concerne les cancers “triple négatif”, quelle est l’avancée ?
Contre ces tumeurs, il n’y avait jusqu’à présent que la chimiothérapie. On l’associait éventuellement à un traitement anti-angiogénique administré par voie intraveineuse, visant les vaisseaux nourriciers de la tumeur. Avec ces protocoles, on a malheureusement recensé un grand nombre de rechutes, d’où la mise au point d’un nouveau traitement. Il existe dans toute cellule l’enzyme Parp, dont le rôle est de réparer les lésions de l’ADN. Or, c’est cette enzyme même qui peut contrer l’action d’une chimiothérapie et la faire échouer. Le nouveau médicament est un inhibiteur de Parp, donc destiné à neutraliser cette enzyme. Les résultats se sont révélés très positifs avec des produits (par voie intraveineuse) associés à une chimiothérapie. Ils ont permis de tripler les taux de réponse et leur durée par rapport à la chimiothérapie seule. Pour pouvoir prescrire tous ces traitements, l’exactitude de la biopsie est capitale !

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