Principales complications biologiques des traitements des cancers

Complications biologiques de l’hormonothérapie et de l’immunothérapie

Comme la chimiothérapie, l'hormonothérapie est une arme thérapeutique non dénuée de manifestations secondaires, comportant des complications biologiques qui peuvent limiter son champ d’application.

7.1 Antioestrogènes : Tamoxifène

Une des caractéristiques essentielles du Tamoxifène est son excellente tolérance puisque moins de 2 % des patientes uniquement présentent les effets secondaires biologiques suivants :

  • hypercalcémie : observée en début du traitement chez les patientes présentant des métastases osseuses ;
  • troubles hématologiques : thrombopénie, anémie et leuco-neutropénie rarement sévères ;
  • troubles hépatiques : élévation du taux des transaminases, avec rarement une cholestase anictérique. Une stéatose hépatique est parfois observée sans retentissement biologique. L’hépatite au tamoxifène est exceptionnelle.
  • rétention hydrosodée ;
  • augmentation du taux plasmatique de l’estradiol, effet indésirable plus spécifiquement rapporté chez la femme non ménopausée. Cette élévation du taux de l’estradiol est associée à des kystes de l’ovaire et/ou des ménométrorragies en rapport avec une hyperplasie de l’endomètre qu’il faut surveiller régulièrement par des examens gynécologiques et échographiques avec biopsies.

7.2 Oestrogènes : DES et Fosfestrol

Les œstrogènes sont utilisés dans le traitement des cancers de la prostate ; ils sont incriminés dans de multiples effets indésirables chez l’Homme.

7.2.1 Effets secondaires

  • effets Biologiques : ictère cholestatique ; hyperlipidémie ; déséquilibre d’un diabète préexistant.
  • féminisation constante avec gynécomastie, impuissance sexuelle, atrophie des organes génitaux externes et diminution de la pilosité ;
  • prise de poids et sensation de jambes lourdes ;
  • hypertension artérielle ;
  • accidents vasculaire cérébraux ;
  • accidents thromboemboliques ;
  • céphalées, vertiges, troubles visuels et neurologiques divers.

Le catabolisme des oestrogènes est augmenté par les inducteurs enzymatiques : rifampicine, barbituriques, phénytoïne, carbamazé-pine, griséofulvine. La flunazine risque d’entraîner une galactorrhée avec augmentation du taux plasmatique de la prolactine.
Le catabolisme de la cyclosporine est réduit au cours des traitements par les oestrogènes, ce qui
impose une augmentation de sa posologie avec surveillance de ses taux sériques.

7.2.2 Précautions d’emploi

  • interrompre le traitement en cas d’effets indésirables graves : hypertension artérielle (HTA) sévère non contrôlée, accidents vascu-laires et infarctus du myocarde ;
  • interrompre le traitement en cas d’immobilisation prolongée et un mois avant une intervention chirurgicale programmée ;
  • utiliser avec prudence dans les autres situations.

7.3 Progestatifs : Medroxyprogestérone et Mégestrol

Les progestatifs freinent la prolifération des cancers génitaux hormono-dépendants en exerçant un effet anti-oestrogène.

7.3.1 Effets secondaires

Ils peuvent être responsables d’effets indésirables divers : HTA, troubles oculaires, syndromes dépressifs, céphalées, acné, hyper-pilosité, accidents thromboemboliques, asthénie, allergies, saignements inter menstruels, fièvre, frissons, prise de poids, nausées et vomissements.
Au plan biologique on peut noter :

  • des effets propres au Mégestrol en particulier des insuffisances surrénaliennes qui peuvent nécessiter une hormonothérapie substitutive. On observe parfois le contraire (des hypercorticismes et des diabètes sucrés) ;
  • des troubles hépatiques : ictères cholestatiques rapportés surtout avec les progestatifs de synthèse type norstéroïdes ;
  • un effet diabétogène à fortes doses.

7.3.2 Précautions d’emploi

  • interrompre le traitement en cas d’effets indésirables sévères : diplopie, lésions vasculaires rétiniennes, pertes de la vision, céphalées importantes et accidents thromboemboliques ;
  • utiliser ces molécules avec prudence dans les autres situations et en cas d’infarctus du myocarde et/ou de diabète.

7.4 Analogues de la LHRH : Triptoréline, Leuproline et Goséréline

Les analogues de la LHRH sont utilisés dans le traitement des cancers de la prostate et des cancers du sein. Ils entraînent une castration chimique sans effet d’échappement pendant la durée du traitement.

7.4.1 Effets secondaires

Au plan biologique on peut noter :

  • une stimulation de la sécrétion des hormones gonadotropes (FSH, LH, Testostérone et dihydrotestostérone) au début du traitement pendant 2 à 4 semaines puis inhibition de la sécrétion de ces hormones avec hypogonadisme ;
  • diverses autres manifestations plus ou moins gênantes et de fréquences variables : oedèmes (19 %), peau grasse (17 %), disparition de la libido (30 %), bouffées de chaleur (70 à 90 %), céphalées (34 %), myalgies (20 %), réduction de la masse osseuse réversible après 6 mois d’arrêt du traitement, sécheresse vaginale (20 %), syndromes dépressifs (10 %). Dans moins de 3 % des cas on note essentiellement des troubles digestifs divers, une anorexie, des palpitations, une dyspnée, des sueurs, une somnolence, des paresthésies des membres inférieurs et des allergies cutanées.

7.4.2 Précautions d’utilisation dans le traitement des cancers de la prostate

  • être prudent en cas de compression médullaire métastatique (aggravation des symptômes au début du traitement) ;
  • adjoindre systématiquement un anti-androgène 8 jours avant le traitement et pendant les 3 premières semaines ;
  • vérifier périodiquement le taux plasmatique de la testostérone (qui doit être inférieure à 1 ng/ml).

7.5 Antiandrogènes : Cyprotérone, Flutamide et Nilutamide

La Flutamide et la Nilutamide sont des antidrogènes non stéroïdiens. Leur administration s’accompagne d’effets secondaires biologiques assez fréquents.

  • Nilutamide :
    • élévation des transaminases ;
    • quelques hépatites cytolytiques ou mixtes (0,5 % des cas) ;
    • méthémoglobinémie ;
    • très rarement aplasie médullaire ;
    • potentialisation de l’effet anticoagulant des anti-vitamines K.
  • Flutamide :
    • élévation des transaminases (1 à 5 % des cas). Plus rarement peut intervenir une hépatite grave cytolytique et mortelle en l’absence d’arrêt du traitement ;
    • méthémoglobinémie.

On pratiquera donc un bilan de surveillance :

  • surveillance régulière des fonctions hépatiques : transaminases, bilirubine, phosphatases alcalines et taux de prothrombine. Un arrêt du traitement s’impose en cas d’élévation des transaminases au delà de 3 fois les valeurs normales ;
  • contre-indication en cas d’insuffisance hépatique sévère ;
  • dosage de la méthémoglobinémie en cas de cyanose, avec arrêt du traitement si le taux dépasse 5 % ;
  • surveillance de la numération et de la formule sanguine (NFS) ;
  • associations médicamenteuses à prendre en compte, en cas de traitement par Nilutamide car celui-ci potentialise leurs effets, en particulier pour les benzodiazépines, les bêta-bloquants, la Phénytoïne et la Théophylline.
  • Cyprotérone : C’est un antiandrogène de la classe des progestatifs ; il est responsable de rares effets biologiques secondaires qui peuvent être graves et imposent l’arrêt du traitement :
    • hépatites cytolytiques (1 cas/100000 mois de traitement) parfois mortelles ;
    • diminution de la réponse surrénalienne au stress ;
    • augmentation des taux sériques du cholestérol, des triglycérides et de la glycémie.

    Le bilan de surveillance comprend un bilan hépatique, un bilan lipidique, la glycémie avec surveillance du poids et de la tension artérielle.

7.6 Antiaromatases : Aminogluthétimide, Formestane, Letrozole et Anastrozole

Les antiaromatases sont utilisés dans le traitement des cancers du sein métastatique chez la femme ménauposée présentant des récepteurs oestrogéniques positifs. Ils inhibent la transformation des androgènes en oestrogènes et sont responsables d’effets indésirables biologiques divers selon la molécule utilisée.

  • Aminogluthétimide :
    • hyponatrémie en rapport avec un déficit en minéralo-corticoïdes ;
    • rares hypothyroïdies ;
    • thrombopénie, agranulocytose voire pancytopénie ;
    • cholestase hépatique.

    Appliquer les précautions d’emploi suivantes :

    • utiliser à doses progressives, la dose efficace étant atteinte en 1 à 2 semaines et donnée en 3 prises avec une dose plus forte le soir et sans dépasser 1 gramme/jour ;
    • y associer dès la 24ème heure un traitement par hydrocortisone (de 20 à 50 mg/jour) et par fludrocortisone (de 50 à 150 µg/jour) ;
    • surveillance biologique et biologique stricte : tension artérielle, ionogramme sanguin, cortisol libre urinaire ou à défaut cortisol plasmatique, NFS et bilan thyroïdien.
  • Formestane : C’est une molécule bien tolérée sur le plan biologique. Néanmoins il est recommandé de l’utiliser avec prudence en cas d’insuffisance hépatique et/ou rénale (en l’absence d’études).
    Pour des raisons d’efficacité il est recommandé de déterminer le taux des récepteurs de l’oestradiol et de progestérone dans la tumeur ou dans ses métastases, car la réponse est meilleure si les récepteurs sont positifs (50 à 78 % de cas contre 6 % en leur absence).

  • Letrozole : Pas d’effets secondaires biologiques connus, mais en l’absence de renseignements, il est recommandé de l’utiliser avec prudence en cas d’insuffisance rénale si la clairance de la créatinine est supérieure à 30 ml/min et en cas d’insuffisance hépatique sévère.

  • Anastrozole : De rares cas d’élévation des GGT et des phosphatases alcalines ont été signalés, non formellement imputable au traitement. En l’absence de renseignements la prudence est de règle en cas d’insuffisance rénale et/ou d’insuffisance hépatique.

7.7 Corticostéroïdes

Les corticostéroïdes sont largement utilisés en cancérologie, à des doses souvent fortes (supérieure à 1 mg/kg/jour). Leurs effets secondaires sont multiples et dépendent de nombreux facteurs : âge du patient, posologie quotidienne, durée du traitement, nature du corticoïde utilisé, mode d’administration et antécédents médicaux du patient.

On distingue les effets indésirables prévisibles, accompagnant les actions pharmacologiques désirées et les effets indésirables imprévisibles, sans rapport avec l'activité pharmacologique des corticoïdes. Dans ce chapitre nous nous limitons aux effets indésirables de type biologique.

7.7.1 Effets prévisibles

  • hypercorticisme iatrogène : obésité facio-tronculaire avec modifications morphologiques de type syndrome de Cushing ;
  • diabète : les corticoïdes peuvent aggraver un diabète préexistant ou révéler un diabète latent. Généralement le diabète cortisonique est réversible à l’arrêt du traitement. Cependant, le retour à la normale des chiffres glycémiques peut demander plusieurs mois ;
  • hyperlipémie : on observe des hypertriglycéridémies par augmentation de la synthèse hépatique ;
  • troubles hydro-électrolytiques : ils concernent surtout le sodium et le potassium. La rétention sodée (probablement par activation de la pompe Na+/K+) expose à la survenue ou à l’aggravation d’une hypertension artérielle. L’activité minéralocorticoïde peut induire une alcalose hypokaliémique.
    Enfin un syndrome de lyse tumorale est possible.
  • troubles endocriniens autres que le diabète : inhibition de l’axe hypothalamo-hypophysaire, aménorrrhée et altération des fonctions sexuelles. Par ailleurs, une hyper-parathyroïdie peut être masquée par les corticoïdes ;
  • diminution immunitaire par séquestration des lymphocytes T avec diminution de la synthèse des immunoglobulines et diminution de l’adhérence et de la dégranulation des neutrophiles. Cette diminution de l’immunité est responsable de la survenue et de la recrudescence des maladies infectieuses de l’immunodeprimé. Exemples : la tuberculose pulmonaire, les infections fongiques en particulier l’aspergillose et les candidoses et enfin l’anguillulose maligne mortelle dans environ 85 % des cas.

7.7.2 Effets indésirables imprévisibles

On note essentiellement des modifications hématologiques :

  • augmentation du nombre total des leucocytes (qui peut dépasser 20 000/mm3) par recrutement des neutrophiles ;
  • diminution des éosinophiles et des lymphocytes.

7.7.3 Précautions d’utilisation

  • Bilan initial : Avant la mise en route d’un traitement corticoïde au long cours un bilan pré thérapeutique minimal est nécessaire :
    • clinique : recherche de foyer infectieux, mesure de la tension artérielle et du poids, électrocardiogramme et IDR à la tuberculine ;
    • examens paracliniques : NFS, plaquettes, ionogramme sanguin, calcémie, protidémie, glycémie à jeun, ECBU, examen parasito-logique des selles avec recherche des larves des anguillules (méthode de Baerman) et radiographie des poumons.
  • Mesures adjuvantes : Apport de calcium, de potassium et alimentation pauvre en sucres à libération rapide et riche en protides et prévention du risque d’anguillulose.
  • Bilan de surveillance :
    • examen clinique bimensuel ;
    • examens biologiques de surveillance (au début bimensuel) : NFS, ionogramme plasmatique, calcémie, électrophorèse des protides sériques, glycémie et autres explorations en fonction des donnés cliniques et para cliniques.

8. Complications biologiques de l’immunothérapie


8.1 L'interferon alpha : INF alpha

L’interféron alpha ou leucocytaire est une protéine produite par les macrophages et les lymphocytes non T non B.
L’INF alpha possède une triple action :

  • une action antivirale rapide ;
  • une action immunomodulatrice portant sur l’immunité cellulaire en augmentant l’activité des cellules NK et les macrophages ;
  • une action anti-proliférative agissant à la fois sur les cellules normales et les cellules tumorales.

Effets indésirables biologiques

Les effets indésirables de l’INF alpha sont dose-dépendants et liés aux rythmes d’injections (des injections à rythme régulier sont mieux tolérées). Ces effets indésirables sont sévères dans 10% des cas et résumés dans le Tableau 16 qui suit.

Adaptation des doses de l’INF alpha si :

  • Neutropénie
    • Polynucléaires neutrophiles compris entre 1000 et 1500/mm3: demi-dose jusqu’à obtention d’un taux de PNN supérieurs à 1500/mm3;
    • Polynucléaires neutrophiles inférieurs à 1000/mm3 : arrêt du traitement jusqu’à obtention d’un taux supérieur à 1000/mm3.
  • Trombopénie
    • Plaquettes comprises entre 50000 et 75000/mm3: demi-dose jusqu'à obtention d’un taux supérieur à 75000/mm3 ;
    • Plaquettes inférieures à 50000/mm3: arrêt du traitement jusqu’à obtention d’un taux de plaquettes supérieur à 50000/mm3.
    Tableau 16 : Toxicité de l’INF alpha
    Toxicité Caractères, surveillance, prévention
    Hématologique (30% des cas en Grade 2, classification OMS) Surveillance NFS tous les 15 jours
    Neutropénie Thrombopénie

    Arrêt traitement

    Polynuclucléaires Neutrophiles inférieurs à 1000/mm3 Plaquettes inférieures à 50 000/mm3

    Traitement demi-dose

    Polynuclucléaires Neutrophiles entre 1000/mm3et 1500/mm3

    Plaquettes entre 50 000/ et 75 000/mm3

    Hépatique (fréquence variable)

    Cytolyse, ictère, ascite : surveillance de la biologie hépatique, avec arrêt du traitement et hospitalisation si ictère et/ou ascite avec TP<>

    Rénale

    Insuffisance rénale aiguë de type fonctionnel par hypovolémie

    Hydratation satisfaisante
    Troubles glycémiques

    Surveillance et régime si besoin

    Dysthyroïdie (2 à 8% des cas)

    Hyperthyroïdie ou hypothyroïdie

    Surveillance du bilan thyroïdien 1 fois par mois. Arrêt du traitement si dysthyroïdie sévère


    8.2 L'interleukine 2

    L’IL2 endogène est sécrétée par les lymphocytes T (L) helpers. L’IL2 recombinante est produite par des méthodes biotechnologiques faisant appel à E. Coli, puis purifiée. Elle entraîne la prolifération des lymphocytes activés CD4 et CD8 , la stimulation de l’effet cytotoxique des lymphocytes cytotoxiques, la généralisation de l’activité LAK (Lymphocyte Activated Killer) envers les cellules tumorales, l’activation des lymphocytes infiltrants les tumeurs (TIL) et une cascade de production des cytokines antitumorales (INF gamma et TNF).
    Les effets indésirables de l’IL2 dépendent de la dose et du mode d’administration et leur fréquence augmente avec le nombre de cycles. La dose de 18 MUI semble apporter le meilleur rapport bénéfice/risque. La fréquence des effets indésirables est nettement moindre après administration par voie sous-cutanée (Tableau 17).

    Le traitement par l’Interleukine 2 doit être instauré avec précaution :

    • administrer uniquement sous surveillance médicale continue en service d’Oncologie ayant une unité de soins intensifs ;
    • traiter préalablement tout épanchement séreux et toute infection ;
    • associer des antipyrétiques, des antiulcéreux, des antiémétisants et une antibiothérapie par oxacilline (fréquence des infections staphylocoques methicillino sensibles) ;
    • administrer les solutés IV avec prudence (risque d’OAP par fuite capillaire) ;
    • interrompre le traitement en cas de troubles de la conscience.
    Tableau 17 : Toxicité (Grades OMS) de l’IL2
    Toxicité Importance en IV Importance en SC Prévention

    Hématologique

    - Thrombopénie

    - Anémie

    Grade 2 à 3

    Grade 2 à 3

    Surveillance hebdomadaire de la NFS

    Hépatique

    - Cytolyse

    Grade 2 à 3

    Grade 1 à 2

    Bilans réguliers

    Rénale

    - Insuffisance Rénale Aiguë

    - Production d’anti-corps anti IL2 non neutralisants

    Grade 2 à 3

    Grade 1 à 2

    Réversible

    Dysthyroïdie

    A priori non dose dépendante ; surveillance du bilan thyroïdien

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

infolinks